Crise de l'élevage bovin : une urgence pour nos territoires ruraux

Publié le par Nathalie Pagani

La Commission de l'Economie et de l'Aménagement du Territoire du Sénat a rendu, il y a quelques jours, un rapport sur la santé et les perspectives de la filière de l'élevage bovin. vachelimousine.jpg

La Creuse est concernée au premier chef en raison de la présence d'élevages de race limousine, fleuron en matière de viande de qualité, et aussi parce que près de 20% de la population départementale est liée à l'agriculture.

Ce qui ressort de ce rapport ? Des constats sur la base d'éléments chiffrés et concrets et aussi des pistes, pour beaucoup déjà suggérées.  Il a aussi l'avantage de soulever des interrogations sur lesquelles les élus comme les acteurs de la filière devront nécessairement et urgemment répondre.

Urgemment, car il est clair que la crise qui sévit depuis 4 ans est bien plus structurelle que conjoncturelle. Comme je l'avais déclaré en 2010, ce ne sont pas quelques aides de trésorerie (certes nécessaires) ou autres prêts bancaires supplémentaires (à une population déjà largement endettée) qui suffiront à sauvegarder ce secteur, ô combien indispensable à la vie économique et sociale de nos territoires ruraux. La sécheresse qui sévit cette année et prive les éléveurs d'une grande partie de leurs fourrages, ne fait que rajouter à la fragilité de la survie de cette agriculture. Et les sommes allouées (250 Euros / exploitant) par le Conseil Général, en cette période, ont été vécues comme une aumône.

Je ne suis pas spécialiste des questions agricoles, je l'avoue. Il n'empêche que celles - ci m'intéressent au plus haut point et qu'à ce titre j'ai rencontré, lors d'entretiens démocrates, les principaux responsables syndicaux. 

Je ne passerai pas en revue ici le détail des constats du rapport. Simplement, quelques points m'ont interpellé :

Si le marché de la viande bovine reste un marché de proximité (91% de la viande vendue est d'origine française), on note un décalage entre l'offre et la demande. L'offre se concentre sur les jeunes bovins quand la demande des consommateurs porte sur la viande issue de vaches. D'où un recours à l'importation pour couvrir 25% de nos besoins. Sur le marché, il est à souligner la prépondérance du steack hâché, plus d'un quart de l'utilisation des carcasses. Le "prêt à manger" (plats préparés ou barquettes piécées) est en plein développement. Ne peut - on alors réfléchir à une meilleure adéquation de l'offre et la demande ?

Une partie de la production est orientée vers l'activité de naisseur avec comme débouché principal l'Italie, marché qui commence à s'essoufler. Ne peut - on initier plus de projets d'engraissement en France, qui contribuerait à de la valeur ajoutée ? C'est une idée que le MoDem avait proposé, au temps des Régionales. Idée, qui nécessite un accompagnement des pouvoirs publics au regard, notamment, des investissements (adaptation des bâtiments, nécessité de l'autonomie fourragère...).

La structuration même de la filière est partculièrement importante : en matière d'abattage, on note une concentration et la prédominance de quelques acteurs dont Bigard qui, à lui seul, traite aujourd'hui près de la moitié des volumes abattus. Beaucoup d'abattoirs ont disparu ces dernières années car devant répondre à des exigences grandissantes en matière d'hygiène. Celui de Guéret a fermé et reste une question polémique en raison de la difficulté, à l'époque, pour les collectivités locales de se mettre d'accord pour en assurer la reprise. Une telle infrastructure ne pourrait - elle s'envisager via les Pôles d'Excellence Rurale ? De la bouche des agriculteurs, un abatteur, porteur d'affaires, serait bienvenu sur notre territoire et les élus devraient prendre leur bâton de pèlerin pour le trouver (or, de leur propre aveu, c'est bien le pèlerin qui manque !).

En matière de distribution, les 4/5e passent par les Grandes et Moyennes Surfaces (GMS). Une telle configuration ne peut amener qu'à un rapport de force déséquilibré. C'est d'ailleurs ce que révèle l'Observatoires des Prix et des Marges, initié en 2010. On peut estimer à environ 30% les marges des GMS, "estimer" car l'opacité continue de régner en maître de ce côté - ci des intermédiaires.  Ne peut - on enfin imposer transparence des prix et des marges ? C'est aussi au consommateur de devenir "consom'acteur" en étant vigilant à l'origine du produit proposé. Une expérience est menée depuis quelques mois entre des éleveurs creusois et des supermarchés Intermarché locaux pour proposer des viandes "made in Creuse" et il est rassurant, encourageant de constater que le client joue vraiment le jeu quitte à payer 1 ou 2 Euros de plus. agrilimousin

Evidemment, on ne peut pas parler d'agriculture sans parler d'Europe. Au delà de la nouvelle PAC à venir, celle - ci a un rôle déterminant à jouer sur la différence de normes sanitaires et environnementales appliquées à l'intérieur même de l'Union Européenne. Une intervention est également nécessaire afin que cesse le dumping social que pratique l'Allemagne en rémunérant à bas prix des salariés venant de Pologne.

Je n'ai pu aborder ici tous les aspects de la question de l'élevage car on l'aura compris, celle - ci est une question complexe, aujourd'hui à la croisée des chemins. C'est par une plus grande organisation et solidarité collective des agriculteurs et aussi par un soutien courageux et volontaire des élus, collectivités, institutionnels que l'élevage aura un lendemain.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
G
<br /> félicitations pour ce beau discours. attention à l'engraissement en creuse pour fazire venir l'alilments et les matières premières c'est un calvaire, j'essaye encore cette année de faire me livrer<br /> un semi de pulpe... l'engraissement en creuse ou en france est pas compétitif et est le meme problème que la filière ovine et porcine, la main d'ouevre les charges sociales et matériels sont trop<br /> pesantes pour les prix proposer moi j'y est arreter car une année sur trois j'ai perdu gros!!!! mais il a plein de chosesà voi à faire, à creer ou revoir...........<br /> <br /> <br />
Répondre
N
<br /> <br /> Merci de votre message. Vous avez raison, la question de l'approvisionnement alimentaire pour l'engraissement est une vraie difficulté à son développement. Comme vous l'avez noté, je m'exprime<br /> sous forme interrogative et n'assène pas des solutions toutes faites. C'est bien avec vous, agriculteurs, que les réflexions sont à mener.<br /> <br /> <br /> <br />